• L'Ombre des Gladiateurs - Partie 4

     

    L'Ombre des Gladiateurs - Partie 4

     

     

    Cassius était assis à son bureau. Le coucher de soleil baignait la salle d’une lumière incandescente. Le maître des jeux inspectait son livre des comptes. Cette réouverture des antiques jeux de gladiateurs allait compter cher, mais il comptait sur les spectateurs pour faire des paris suffisant pour regonfler le coffre. Le maîtres des jeux en était à réfléchir sur l’approvisionnement en nourriture lorsque l’on frappa à la porte.

    -         Entrez, dit-il en refermant le manuscrit sèchement.

    Entra alors un homme, la trentaine bien entamée et les yeux pétillants de vie.

    -           Sénateur, dit Cassius en se levant précipitamment. Je ne vous attendais pas.

    -           Ne vous dérangez pas, Maître, répondit le sénateur en levant la main. Je suis simplement venu pour parler des jeux. A ce que je vois, vous étiez déjà en train d’y songer, ajouta-t-il en indiquant le livre des comptes.

    -           Puisque vous en parlez, sénateur, il y a bien quelque chose dont j’aimerais discuter avec vous.

    -           Si cela concerne le montant de l’évènement, ne vous inquiétez pas, l’Empereur se charge de tout payer, répondit le Sénateur en souriant.

    -           Ceci est trop aimable, dit Cassius en s’inclinant.

    Le sénateur regarda autour de lui et parut satisfait. Il s’avança vers une commode et en tripota les ornements. Puis il redressa la tête et dit d’une voix enjouée :

    -           Les gens parlent dans les rues. Certains spéculent sur les hommes que vous avez ramenés de vos campagnes.

    -           Pas seulement des hommes, Sénateurs, répondit Cassius en se dégageant de derrière son bureau pour venir vers son invité. Il y a également trois femmes, dont une rapportée par mes soins. Une Celte de Gaule.

    -           Une Celte de Gaule ? s’étonna le sénateur en riant. Et bien, ma foi vous me surprendrez toujours, Maître. Tous des volontaires d’après ce que les gens racontent.

    -           Ils sembleraient que… vos gens… soient bien informés. Nous en avons assemblé cent sept en cinq mois.

    -           Connaissent-ils les règles ? demanda le Sénateur.

    -           Non, pas encore. Ils savent qu’elles ne sont plus celles de l’Antiquité mais ils n’en connaissent pas plus sur le sujet que ce que leur donnent les livres.

    -           Et qu’ils s’en tiennent à ça ! entonna le sénateur, en éclatant de rire.

    Il avait les yeux écarquillés, et ses mains tremblaient d’excitation lorsqu’il les posa sur les épaules de Cassius.

    -           Cette réouverture va marquer les esprits, mon ami. Ces jeux… Jamais aucune arène n’aura vu ça.

    -           En effet, Sénateur. Aucune arène ne les aura jamais vu et ne les verra jamais.

    -           Vous aviez eu une idée brillante, Maître ! complimenta le Sénateur en s’installant dans le siège de Cassius. Une arène à taille réelle. Le pays entier pour se battre ! Comment comptez-vous vous y prendre, d’ailleurs ?

    -           Vous connaissez le principe j’imagine, répondit Cassius en souriant de contentement. Nous formerons quatre équipes de quatre gladiateurs puis nous les lâcherons tous à des points différents de la région. Bien sûr, nous auront des espions pour les suivre sans cesse pour ne pas que nous les perdions. Nous établirons un refuge chaque soir où la première équipe à dresser son drapeau sur le toit gagnera sa protection jusqu’à l’aube, dans la limite du secteur de protection offert par la zone, cela va de soi. Puis cela recommence tous les jours, jusqu’à ce qu’une équipe, entière ou partielle, atteigne le Hall, à Pompéi.

    -           Pompéi ? Cela fait beaucoup de chemin…

    -           Et les spectateurs n’en seront que plus heureux ! Plus cela durera, plus ils payeront, et c’est ce que nous voulons. Regonfler les coffres. Et…

    Le maître hésita avant de poursuivre.

    -           Vous connaissez le secret de l’Empereur et sa passion pour les technologies du passé. Pour mieux suivre les gladiateurs, nous allons leur tatouer un symbole sur le dos de la nuque. L’encre avec laquelle il sera fait possède des… éléments électroniques. Tous les symboles seront différents et selon notre bon empereur, ils émettront tous un signal distinct que ses appareils capteront et retransmettront sur un grand panneau lumineux.

    -           Ingénieux, dit le sénateur en se caressant le menton. Cette lubie qu’ont les empereurs de garder et entretenir certaines pièces de notre histoire passée et de se les transmettre a finalement un intérêt.

    -           Il semblerait, en effet.

    -           Mais les spectateurs ? Si le refuge se déplace progressivement jusqu’à Pompéi, ils n’assisteront pas aux combats.

    -           Ils peuvent suivre nos gladiateurs et louer des chambres dans les grandes maisons. Cela fera tourner l’économie, sénateur.

    -           Brillant. Et nos combattants sauront-ils où se cache chaque refuge ?

    -           Pas explicitement. Ils connaîtront la ville dans laquelle nous les avons placés mais pas la bâtisse. Ils devront également se débrouiller pour survivre. Ils n’auront rien au début, hormis un glaive. Ils devront chercher à manger, marchander ou chasser, et de quoi se tenir au chaud, pour les équipes perdantes. Chaque jour sera une conquête. Il n’y a pas de véritable équipe gagnante. Une équipe qui ne conquiert jamais le refuge peut très bien gagner le tournoi. Leur seule règle étant d’arriver les premiers au grand Hall. Bien sûr, ils auront un itinéraire à suivre. Si l’un des combattants enfreint les règles, sont équipe toute entière aura une pénalité.

    -           Tout cela semble parfait, maître Cassius, dit le sénateur en se levant du siège. L’Empereur va adorer. Si après ça, vous n’êtes pas récompensé, je n’y comprendrais rien !

    -           Vous êtes bien aimable, sénateur. Je n’ai fait qu’écouter les désirs de l’empereur et recréer les jeux.

    -           Vous en avez fait une merveille, complimenta l’homme en pointant Cassius du doigt. Mais assez parlé des jeux ! Parlez-moi de vos recrues. Y en a-t-il d’intéressantes ?

    -           Quelques une, oui, répondit Cassius en souriant. Deux celtes gaulois pour commencer. La fille dont je vous ai parlé tout à l’heure et un homme… Bonté divine ! Je ne souhaiterais pour rien au monde me retrouver face à lui ! une montagne ! Il est jeune, une vingtaine d’année à peine, et sa carrure est simplement incroyable. Que les dieux me préservent s’il ne fait pas des dégâts durant les jeux ! Malheureusement, tout comme sa compatriote, il est terriblement difficile à contenir. Il va falloir le surveiller.

    -           Un taureau, somme toute, acquiesça le sénateur. Et la fille ?

    -           Elle est petite. Elle pourra se faufiler où elle veut. Je ne sais pas si elle pourra soulever une épée mais sa rapidité pourrait être un atout. Et le Celte m’a mis en garde contre elle.

    -           Mis en garde ? demanda l’homme en haussant les sourcils et en remettant sa toge sur son épaule. Que voulez-vous dire ?

    -           D’après lui elle est très maligne. Elle est également à surveiller.

    -           On doublera la sécurité sur ces deux là alors, opina le sénateur. Et les autres ?

    -           Nous avons également une femme grecque et une scandinave. Nous ne savons pas ce dont elles sont capables, mais partons du principe que ce sont des femmes et supposons qu’elles pourraient très bien être de superbe manipulatrices. Elles sont du genre… insoumises. Surtout la Celte… A surveiller.

    -           Je ne pensais pas que ces premiers jeux attireraient des femmes. L’appel de l’or je suppose.

    -           Oui, sénateur. Je suis allé dans certaines provinces et il est vrai qu’un peu de confort ne leur ferait pas de mal.

    Le sénateur se contenta de faire une grimace et intima à son collègue de poursuivre.

    -           Je ne les connais pas tous, mais de ceux que j’ai pu voir, il y a un sanguinaire du nord et un homme capable de se faire disparaitre tant il est discret. Il se fait appeler l’Ombre.

    -           De bons participants alors, dit le sénateur dans un grand sourire.

    Il se pencha sur une corbeille de fruit et prit un grain de raisin qu’il fit voler et atterrir dans sa bouche. Lorsqu’il croqua dedans, des gouttes rouges perlèrent aux commissures de ses lèvres. Il les essuya d’un rapide revers de manche et son regard se posa sur le soleil qui disparaissait à présent derrière les bâtisses en briques dehors. Rome était si belle !

    Gorgée de fierté pour sa cité, le sénateur fit quelques pas en direction de la sortie puis se retourna, comme s’il avait oublié quelque chose. Un silence s’installa pendant lequel Cassius le regardait réfléchir sans mot dire. Puis le sénateur rit.

    -           Vous annoncerez le principe des jeux demain, Maître. Mais n’en dites pas trop tout de même. Restez-en aux quatre équipes. Nous leur dirons l’entière vérité qu’une fois les jeux commencés. Cela rajoutera à l’excitation !

    -           Entendu.

     

    Le sénateur lui fit un signe de la main et sortit du bureau. Cassius restait choqué par sa visite. Mais pour une fois, il ne prit pas son habituel livre des comptes mais un rouleau de papier sur lequel il écrivit au maître de l’arène, Flagius, ce qu’il devrait faire le lendemain matin. Former les équipes pour ainsi commencer les jeux.


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