• Les Revers de l'Autremonde - Chapitre 3 : Le début des ennuis.

     

    Les Revers de l'Autremonde - Chapitre 3 :

     

     

    Emma s’activaient aux fourneaux. Elle avait du pain sur la planche. Tous s’étaient mis d’accord pour faire d’elle leur cuisinière. Tous sauf l’intéressée, bien entendu. Elle n’avait jamais vraiment aimé faire à manger, mais tout le monde dans cette maison semblait croire que puisqu’elle était française, elle était une excellente cuisinière. Ce qui était faux, archi faux. Les pommes de terre en bouilli sur le plan de travail en témoignaient douloureusement, pour le peu qu’une pomme de terre souffre.

    Elle en était à se demander comment masquer la quantité de poivre qu’elle avait accidentellement versé dans la purée quand la sonnerie du téléphone fixe la sortit de son analyse.

    Elle attendit quelques secondes que quelqu’un se déplace et décroche mais quand elle arriva dans le salon, elle vit que celui-ci était vide. Le téléphone sonnait toujours.

    L’ange laissa l’appareil sonner, ne sachant que faire. Finalement la sonnerie s’arrêta et Emma repartit en cuisine en ravalant une boule d’anxiété. Elle ne sait pas pourquoi, mais elle avait le sentiment qu’elle aurait du répondre.

    Elle se remit au travail  et elle avait massacré une douzaine de patates quand l’apparition d’Elliott la fit sursauter.

    -           J’ai cru entendre le téléphone sonner, dit-il en montrant le salon d’un coup d’œil.

    -           Heu… oui, mais…  je suis arrivée trop tard, répondit-elle en cherchant ses mots.

    -           La personne qui a appelé n’a pas laissé de message ?

    -           J’en sais rien. Je m’occupe de faire à manger pas de la réception !

    -           Très bien, mademoiselle !  se défendit Elliott. Je ne voulais pas d’offenser. J’espère juste que ce n’était pas important.

    Elliott mâchonna sa lèvre inférieure en fixant l’épluche légume que tenait Emma. Puis ses yeux prirent soudainement cet éclat brûlant qui faisait si peur à la jeune femme. Une émotion forte se débattait en lui et il essayait de la contenir. Elliott se précipita dans le salon sans un regard en arrière et Emma se sentit comme obligée de le suivre.

    Quand elle arriva dans la salle, le démon tenait le téléphone et ses mains tremblaient. Il ne quittait pas l’écran des yeux.

    Emma s’approcha et regarda par-dessus l’épaule d’Elliott. Un numéro inconnu était affiché. Pas de quoi faire danser les sardines, pensa la jeune femme.

    -         Qu’est-ce que tu as ? demanda-t-elle enfin.

    -         Ce numéro…

    Elliott fit volte face et contourna l’ange. Il se mit devant le grand escalier et appela :

    -           Mélanie ! Stephen ! Descendez immédiatement !

    Le démon paraissait anxieux et même… apeuré. C’est à cette constatation qu’Emma se fia et elle eu la certitude qu’elle aurait du décrocher.

    -         Qu’y a-t-il ? demanda-t-elle timidement.

    -         C’est Sam.

    -           Quoi ? s’exclama Stephen en dévalant les marches.

    -           Je vois que tu as suivi les conseils de Mel, dit Elliott en tortillant ses doigts. Mais tu fais plus la trentaine que la vingtaine.

    -           C’est pas plus mal. Tu as dit que c’était Sam. De quoi tu parlais ?

    -           Mel est là ?

    -           Oui, oui, je suis là Elliott ! répondit l’ange en s’accrochant à la rampe de l’escalier pour amorcer une glissade. Sympa, Steph ! Un peu plus vieux que ce à quoi je m’attendais mais franchement pas mal !

    -         Sam a appelé, coupa Elliott.

    -         Quoi ?

    -           Enfin, quelqu’un a utilisé son téléphone pour nous appelé. J’ai reconnu son numéro.

    -           Sam ! s’exclama l’ange. Elle a essayé de nous contacter mais on n’était pas là pour…

    Le regard de Mel se glissa vers Emma.

    -           Tu faisais quoi pendant que le téléphone sonnait ?

    -           Ne m’accuse pas ! Je ne suis pas chez moi ici ! Je n’ai pas à décrocher le téléphone !

    -           Emma a raison Mel, intervint Elliott. Ce n’est pas de sa faute. Mais s’il s’agit bel et bien de Sam…

    -           Il suffit de rappeler pour en avoir le cœur net, trancha Steph en s’emparant du téléphone.

    -         Ce n’est pas prudent, dit Elliott.

    -           Non, mais c’est la seule solution. On veut savoir ce qui en est de Sam, non ? Et bien il faut rappeler.

    Son père protesta mais il appuya sur la touche rappel et posa le combiné à son oreille.

     

    ***

     

    Lorsque le téléphone sonna, Sam sursauta. Elle ne s’était pas attendue à ce qu’ils rappellent si vite.

    -           Qui est-ce ? demanda Alistair assis en face d’elle, les sourcils froncés.

    -         Elliott,  répondit- elle en décrochant. Elliott, c’est Sam…

    -           Bonté divine ! s’exclama la voix à l’autre bout. On te croyait morte !

    -         Steph ?

    Si la personne au bout du fil n’avait pas juré de la sorte, jamais elle n’aurait reconnu le vampire. Sa voix était beaucoup plus grave que dans ses souvenirs.

    -         Attend je te mets en haut parleur.

    -         Steph c’est urgent ! se pressa Sam.

    -         Où es-tu Sam, demanda la voix d’Elliott.

    -           Je ne sais pas trop mais je suis en sécurité… Je crois… Il faut à tout prix que vous me rejoignez. Elliott, il en va de la vie de ton fils.

    -           Comment ça ? demanda-t-il anxieux. Donne-nous tes coordonnées.

    -           Je n’ai aucune idée d’où je suis. Mais…

    Sam hésita. Fallait-il tout lui dire maintenant ? Comment allaient-ils tous réagir en apprenant qu’elle était dans un essaim de vampires ?

    La lycan prit une inspiration et, regardant Alistair, continua de parler :

    -         Je suis chez des vampires…

    -         Quoi ? Mais tu es complètement folle ?

    -         Non ! Ecoute, Elliott…

    Sans un mot, Alistair s’empara  du téléphone et retourna sur son siège sans que Sam ne s’en rende compte.

    -           Votre amie est en sécurité chez moi, dit le vampire d’une voix brûlante.

    Ses yeux ne quittaient pas Sam.

    -         Qui est à l’appareil ? demanda Elliott.

    -           Alistair Roweyn. Sam est en sécurité ici, mais vous, vous risquez gros. Dépêchez-vous de revenir aux Etats-Unis ou il y aura de grosses pertes.

    -           De quoi parlez-vous ?

    La voix d’Elliott s’était affaiblie. Sam pouvait presque voir ses yeux brûler d’inquiétude. Sa nature de démon prenait le dessus.

    -           Stephen est en danger et il le sera d’autant plus si vous êtes en terrain inconnu. Sautez dans le premier avion pour la Californie. Nous vous donnerons le reste du plan une fois sur place.

    -           Que voulez-vous dire par « Stephen est en danger » ?

    -           Rien de plus que ce que l’énoncé ne fait apparaître. Votre petit protégé est depuis peu la cible d’une association de lycan et de métamorphes. Stephen est unique. Plusieurs races coulent dans ses veines et cela inquiète. Nous voulons le protéger. Faites-moi confiance.

    Elliott ne répondit pas tout de suite. Sam craignit qu’il ne fasse une connerie mais avant qu’elle ne s’en inquiète vraiment, celui-ci reprit la parole.

    -           Très bien. Je ne vous fais pas confiance mais je ne pense pas avoir vraiment le choix. Le seul inconvénient c’est que nous seront  sept à arriver. Je refuse de me séparer de mes gens.

    -           Ce n’est pas un problème. Nous avons de la place pour bien plus. Emmenez qui vous voulez.

    -           Très bien… Nous partons immédiatement.

    -           Soyez prudents, dit Alistair.

    Puis le vampire raccrocha et jeta l’appareil à Sam, encore tremblante d’inquiétude.

    ***

     

    Elliott avait rassemblé tout le monde en très peu de temps et lorsqu’il leur avait raconté l’histoire, tous s’étaient précipités dans leurs chambres pour faire leurs valises. Un tas de sac s’amoncelait déjà sur le porche quand Mel y jeta le sien, ruisselante de sueur.

    Les mecs allaient ranger tout ça. En attendant, Mel rejoignit Emma et le vampire, Siwhan, qui attendaient dans le van d’Elliott.

    Tout de suite, l’ange vit que quelque chose n’allait pas. Emma était à l’opposé de Siwhan et celle-ci tremblait. Elle avait un doigt dans la bouche, comme un bébé, mais du sang coulait le long de son menton. Ses yeux étaient noirs. Signe flagrant d’une crise à venir.

    Mel s’approcha lentement du vampire et lorsqu’elle fut assez proche, posa une main délicate sur son épaule. Siwhan ne réagit pas.

    Mel interrogea sa consœur du regard, mais Emma se contenta de hausser les épaules, l’air sincèrement perdue. La blonde s’assis à côté du vampire et commença à caresser sa main en signe de réconfort. Les mots étaient  inutiles pour un vampire aux bords du pétage de plomb. Mel l’avait apprit à ses dépends.

    Le silence et l’attention de Mel semblaient avoir légèrement détendu Siwhan, mais ses iris restaient d’un noir d’encre. Les filles restèrent silencieuses un moment. Ce fut Siwhan qui rompit le silence.

    -         C’est mon père.

    Mel rapporta son attention sur le vampire.

    -         Pardon ?

    -           Siwhan Roweyn, chuchota la rousse en pressant la main de l’ange. Traître à son sang. Une des déserteurs.

    -           Cet Alistair est ton père ? demanda Emma, attirée malgré elle.

    -           Etait, répondit Siwhan avec un rire sans joie. Quand j’ai refusé de boire du sang humain il m’a renié et m’a obligé à quitter la demeure familiale.

    -           Tu ne bois pas ? demanda Mel.

    -           Si bien sûr ! Mais du sang synthétique. Il m’arrive de temps en temps de vider un chien ou un chat mais c’est rare.

    -           C’est par contestation ou par choix que tu as décidé ça.

    -           Mon… métabolisme refuse le sang humain ou Outre. J’y suis allergique.

    -           C’est bête…, intervint Emma.

    Mel fusilla la française du regard. Elle aurait pu éviter ce genre de remarque. Un vampire allergique au sang… C’était un peu comme un poisson qui ne sait pas nager. Contre-nature… Mais ces quatorze dernières années avaient tellement manipulé  le mot « naturel » qu’en faire une définition relevait de l’impossible.

    -         J’ai peur.

    -           On sera là, Siwhan, la rassura Emma. Tu crois qu’il te ferait du mal devant témoin ?

    -           Mon… géniteur… a plus de onze siècles. Il pourrait tous vous rendre amnésique d’un battement de cil.

    L’arrivée des hommes coupa cout à leur discussion. Les deux anges sourirent au vampire et prirent les premiers sacs que Riley, le lycan, apportait. Le remplissage de coffre dura moins de dix minutes et peu avant 17 heure, ils étaient déjà en route vers l’aéroport le plus proche.

    ***

     

    -           C’est impossible monsieur, répéta l’hôtesse pour la dixième fois.

    Riley serra la mâchoire et fit grincer ses dents. Cette bécasse était décidément dure en affaires !

    -           Je n’aimerais pas vous déplaire, dit le lycan en s’obligeant à ne pas être vulgaire. Mais bordel il faut que je fume !

    -           J’ai comprit, monsieur. Mais c’est impossible. Il vous faudra attendre l’atterrissage.

    -           Combien de temps ? demanda-t-il en essayant de contenir ses crocs.

    -           Heu…

    La jeune femme regardait fixement la bouche de Riley, les yeux écarquillés. Le jeune homme faisait tout son possible pour paraître  humain, mais cette imbécile allait le faire craquer.

    L’hôtesse, une grande brune physiquement intelligente au profil légèrement chevalin, posa une main sur sa bouche et se tortilla, l’air visiblement surexcitée. Riley la dévisagea, un sourcil remonté.

    La cruche se pencha et, collant presque son visage à celui du jeune homme, murmura :

    -           Vous êtes les premier lycan que je rencontre ! Mes copines ne vont jamais me croire ! J’peux vous prendre en photo ?

    Riley s’apprêtait à lui répondre quelque chose qui mettait en scène sa mère quand Ilhan intervint de l’autre côté de la rangée de sièges.

    -           Laissez-le tranquille, mademoiselle. Il est à cran depuis qu’on a décollé. Je crois bien que le petit chien a peur de l’avion et vous savez les dégâts que fait un chien apeuré, n’est-ce pas ?

    Riley ne savait pas comment le prendre. Le télépathe se moquait-il de lui ou essayait-il vraiment de le sortir de cette galère ? Peut-être les deux à la fois, finalement.

    -           Je… oui bien sûr ! Quelle imbécile ! Les toilettes sont au fond à gauche ! dit-elle sur le ton de la confidence.

    Elle conclut en souriant, fière comme un paon, puis alla emmerder une autre rangée de sièges.

    -           Je ne te dirais pas à quoi elle pensait, dit Ilhan et reprenant son journal. Cette fille est une grosse dégueulasse.

    -           Rapport avec les toilettes ? demanda Riley en s’affalant plus loin dans son siège.

    -           Pas seulement. Mais le plus gros de la scène s’y déroulait en effet.

    -           Comment tu fais pour vivre avec les pensées de tout le monde ?

    -           J’arrive à les bloquer. C’est comme pour la télévision. Tu peux l’avoir sans pour autant la regarder tout le temps. C’est un peu pareil. Bien que l’analogie avec la télé ne soit pas la plus appropriée bien entendu.

    -           T’es allé loin dans tes études, toi.

    -           C’est « analogie » que t’as pas comprit ? demanda Ilhan en souriant à la face de cake qui était en première page de journal.

    Riley grogna ce qui pouvait se faire passer pour un  « va te faire foutre » et focalisa son regard sur les quelques cheveux qui dépassaient du siège en face de lui.

    Combien de temps allait-il encore devoir endurer ce calvaire ?  Ilhan était sympa mais lui parler signifiait tourner la tête vers lui et… le hublot. Le télépathe avait vu juste. Il avait peur de l’avion et cela le rendait encore plus irritable qu’à l’accoutumé.

    -         Ça va devant ? demanda une voix derrière lui.

    Le loup-garou se retourna et tomba nez à nez avec Emma. Elle était surexcitée. N’ayant jamais quitté le territoire français, ce départ précipité la rendait presque folle.

    -         Hmm, répondit-il.

    -           Tu n’es pas bien bavard. On arrive dans dix minutes, si ça peut te rassurer.

    -         J’vois pas de quoi tu parles.

    -           Moi non plus, répondit-elle d’un ton qui ne laissait aucun doute sur ce qu’elle pensait réellement. Tu penses quoi de cet Alistair ?

    -           Sais pas. L’ai jamais vu.

    -           Ouais, t’as raison. C’est tout de même un vampire de plus de mille ans alors je me suis dit que…

    -           Tu veux bien te taire, Emma ? dit-il en serrant les dents.

    -           Désolée…

    Emma s’enfonça dans son siège, visiblement peinée. Elle ramena ses genoux contre sa poitrine et regarda par le hublot.

    Riley s’en voulait. Et c’était une première. Il soupira et, tout en sachant qu’il le regretterait plus tard, se mit debout et alla s’installer à côté de l’ange.

     

    Emma le regarda étonnée, mais cela lui sembla assez comme pardon car durant les dix dernières minutes de vol, Riley ne pu placer un seul mot de toute la conversation.


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