• Les Revers de l'Autremonde - Chapitre 2 : Disparition

     

    Les Revers de l'Autremonde - Chapitre 2 : Disparition

     

     

    Sam ne voyait plus rien. La salle dans laquelle on l’avait jetée était si sombre qu’ouverts ou fermés, ses yeux en voyaient autant. La seule chose dont elle était certaine était qu’elle se trouvait sous terre. Elle était assise contre une planche de bois qui recouvrait les murs sur cinquante centimètres de haut environ, mais au-delà elle n’en savait rien, n’ayant pas une seule fois eu la force de se relever. La température ambiante ne dépassait sûrement pas les dix degrés, mais son corps commençait à s’y habituer au bout de tout ce temps. Une cave ? Elle ne pouvait savoir.

    Tout s’était passé très vite. Elle venait de terminer une interview avec une journaliste hystérique, et elle comptait rentrer chez elle sans faire de détour. En voulant déverrouiller la portière de sa voiture, elle avait remarqué que celle-ci l’était déjà. Et là avaient commencé les emmerdes. Elle n’avait pas eu le temps de comprendre se qui lui arrivait que quelqu’un lui avait sauté dessus et l’avait plaqué au sol, face contre terre. Sur le coup, elle s’était demandé comment on avait pu passer son champ de sécurité sans rencontrer ses ondes, puis ses poings liés dans son dos et la cagoule sur sa tête avaient vite remplacé cette question.

    Son ravisseur l’avait jeté à l’arrière de la voiture sans qu’elle ne se débatte. Ses chaînes étaient en argent. Elle avait sentit ses forces l’abandonner trop rapidement pour que ce soit du simple fer. Et depuis ce moment, elle n’avait pas revu la lumière du soleil. Combien de temps avait duré le trajet, elle n’en savait rien. Mais quand la voiture s’était arrêtée, elle n’était plus en Californie à en juger par l’accent de l’homme qui les avait accueilli, elle et son ravisseur.

    On l’avait guidée jusqu’à un escalier et une fois enfoncée loin dans le boyau, on lui avait retiré sa cagoule. Ce qui ne fit aucune différence. Au bout d’un long couloir on l’avait enfermée dans une salle, porte blindée, et depuis, plus aucune nouvelle. Les informations qu’elle avait entendu pendant qu’on l’emmenait dans sa prison lui avaient apprit que les deux hommes n’étaient que les serviteurs d’un « maître ». Et à en juger par la façon dont ils avaient prononcé ce mot, cet homme devait être très important.

    Une fois Sam enfermée, rien n’indiquait que des gens vivaient ici. Ni les deux hommes, ni le « maître ». Personne n’avait jugé bon de lui envoyer de la nourriture et si elle n’avait pas été lycan, elle aurait certainement crevée au bout de la première semaine.

    Elle avait perdu toute notion du temps. Elle savait que cela faisait environ deux semaines qu’elle était retenue ici mais « environ » était loin d’être précis. Mais le plus stressant n’était pas de ne pas avoir ni à manger, ni à boire, ou de ne pas savoir depuis combien de temps elle croupissait ici, mais c’était de ne pas comprendre la raison de sa présence dans ce qui pourrait être un cachot.

    Quoi qu’il en soit, elle était prisonnière quelque part en dehors de Californie, à des milliers de kilomètres de ses amis. Mel et Elliott étaient partis en France avec Steph. Elle espérait de toute son âme qu’ils aient remarqué son absence trop longue car dans le cas contraire, si ses ravisseurs revenaient, ou pire, si le « maître » arrivait, rien ne pourrait les empêcher de lui faire du mal. Même pas elle-même. Ses entraves étaient en argent et contrairement aux idées reçues, l’argent ne blessait pas les lycans. Il les affaiblissait juste et empêchait toute transformation, que ce soit d’homme en bête ou de bête en homme.

    Malgré le noir complet, Sam avait une vue d’ensemble de la salle dans laquelle on l’avait jetée grâce à ses ondes. Soit une pièce carrée vide haute de deux mètres et large d’un mètre cinquante. La première chose qui lui était venu à l’esprit quand elle avait découverts sa prison fut « cage ». Ses kidnappeurs la craignaient donc.

    A peine rassurée elle essaya, pour la centième fois au moins, de trouver l’explication rationnelle à sa présence ici que le docteur en elle exigeait. Les solutions les plus logiques étaient que ces gens craignaient son travail en génétique surnaturelle ou alors qu’ils lui en voulaient pour avoir révélé leur existence aux yeux des humains.

    L’idée n’avait pas été tout de suite bien acceptée, mais les humains, tout comme les Outres avaient été obligés de vivre avec et le Conseil avait tout fait pour que rien ne dégénère. Mais une fois la bombe lancée, comment revenir sur ses pas ?

    Sam frotta l’argent de ses liens. Sans cette entrave elle aurait pu faire beaucoup de dégâts. Qu’importe ceux qui l’avaient enlevée, ils en avaient peur et cela rassura la lycan.

    Ses mains étaient toujours dans son dos et elle n’était pas certaine que ses épaules soient indemnes. Elle était prête à vendre sa mère pour avoir ses mains libres.

    Toute tentative d’évasion était inutile car la porte qui la gardait était en argent. Elle le savait car sa représentation psychique lui avait indiqué une masse noire à la place de la porte et seul l’argent avait cette couleur dans son esprit.

    Son dos lui faisait souffrir le martyr mais elle n’avait pas la force de se lever. Et elle avait un arrière goût désagréable dans la bouche. La faim commençait  à se manifester violemment.

    Elle avait du s’endormir car quand elle regarda devant elle une silhouette se tenait dans l’embrasure de la porte. Son cœur fit un bond sa poitrine. Elle eut le sentiment de le connaître sans jamais l’avoir vu. Un sentiment ancien, très ancien. Cet homme était un Outre, c’était certain. Les sorciers pouvaient vivre très longtemps tout comme les lycans. Mais les seuls à dégager autant d’ancienneté sur cette terre étaient les vampires.

    L’évidence sauta aux yeux de Sam. On l’avait emmené dans un nid. Qui pouvaient haïr les lycans au point de les séquestrer des semaines dans une cage si ce n’est les vampires ? Le sadisme de sa condition aurait du lui mettre la puce à l’oreille depuis le début, mais elle avait été trop occupée à essayer de comprendre ce qu’elle faisait là.

    Le vampire s’avança et la lumière en dehors de sa prison aveugla Sam. elle cligna des yeux pour chasser les larmes et toisa son geôlier.

    -           Qui êtes-vous ? demanda-t-elle en peinant pour crée un son avec sa gorge non utilisée depuis trop longtemps.

    -           Un vampire, répondit l’autre.

    -           Vous êtes le maître dont parlaient le deux autres…

    -           Disons simplement que je suis quelqu’un à qui tu devrais mieux ne pas chercher d’ennuis.

    -           Ce n’est pas franchement une réponse, ça… s’entendit-elle dire.

    -           Mais c’est tout ce que j’ai à te donner pour le moment. Tu sauras tout ce que tu as besoin de savoir en temps voulu. Maintenant lèves-toi et suis-moi.

    Le vampire fit volte-face et sortit de la prison. Comme Sam ne bougeait pas, il s’arrêta et tourna un regard incandescent vers la lycan. Sam ne pouvait pas voir ses traits mais ses yeux… deux charbons ardents.

    Elle comprit qu’il ne valait mieux pas contrarier ce vampire colérique et essaya de faire l’impossible. Mais à sa grande surprise, elle réussit à se lever en appuyant son dos contre le mur. Son corps tout entier protesta mais les ordres du maître vampire étaient plus importants.

    -           Pourriez-vous me retirer mes liens ? Ils me pompent mon énergie.

    -           Non.

    C’était clair, précis.

    -           Pourriez-vous au moins me dire ce que je fais ici ?

    -           Suis-moi et tu sauras.

    Sam obtempéra et ses hypothèses se révélèrent être vraies. On l’avait bel et bien enfermée dans un sous-sol, mais ce qu’elle vit en sortant de sa prison la fit frissonner.

    Sa cellule n’était qu’un bloc parmi des dizaines d’autre disposés dans une salle aussi vaste qu’une salle du trône. Mais toutes n’étaient pas pareilles. Sa « boîte » avait des barres d’argents tout autour ainsi qu’une porte faite du même matériau, mais celle d’â coté semblait faite de sel. Contenait-elle actuellement des sorcières ?

    Ce vampire faisait-il un élevage ? Des sadiques de première classe, quelle chance !

    Sam suivit le vampire et sorti de la vaste salle au prisons pour monter la volée de marches qu’elle avait empruntée pour arriver. Lorsqu’elle parvint en haut de l’escalier, elle s’était attendu à tout (une grotte, une vielle cabane, …) sauf à l’intérieur d’un château. Le contraste entre le sous-sol et cette pièce était si violent qu’elle ne fait pas attention au reste. Ce n’est que lorsque ses pieds se prirent dans un épais tapis que la lycan remarqua que le salon n’était pas désert.

    Sur un canapé d’angle d’au moins dix mètres se prélassait un vampire brun, habillé de cuir, qui la fixait intensément. Puis elle tourna son regard vers le maître debout face à elle.

    Il était grand, et avait de longs cheveux bruns qui lui tombaient sur les épaules. Au défaut d’être costaud il semblait être athlétique et son veston mettait en valeur ses épaules carrées. En y regardant de plus près, Sam ne put s’empêcher, malgré sa condition de prisonnière, de se dire que les deux vampires avaient des allures de sadomasochistes… surtout celui dans le canapé…

    Son geôlier alla rejoindre son camarade sur le canapé et les deux sangsues la dévisagèrent presqu’avec appétit.

    -           Dommage que nous ne mangeons pas de chiens, se lamenta la brun. Celle-ci à l’air bonne.

    Sam fit comme si elle n’avait pas saisi la connotation et focalisa son regard sur le maître. Son geôlier sourit en dévoilant des crocs bien plus pointus que dans les souvenirs de la lycan et adressa un regard subjectif  à son camarade.

    -           Elle n’est pas là pour être mangée, dit-il avec un regard troublant.

    -           Je sais et c’est bien dommage. Tu nous as ramené un sacré morceau, Alistair, répondit le brun.

    Alistair se redressa et d’un claquement de doigts fit disparaître les liens des poignets de Sam. Elle fit rouler ses épaules et cru qu’elle allait pleurer de bonheur.

    -           Qui êtes-vous vraiment ? demanda-t-elle en masquant sa peur du mieux qu’elle put.

    -           Est-elle stupide ? demanda le copain d’Alistair.

    -           Vous êtes des putains de sangsue, j’avais remarqué ! Mais bordel, qui êtes-vous réellement ? Je veux dire, pour qui vous vous prenez pour m’avoir enlevée ? Et pourquoi m’avoir laissée crevée de faim et de soif dans cette prison ? Celui-ci à au moins un millénaire de sadisme à son actif ! dit-elle en désignant le maître.

    -           Mille-cent-vingt-trois ans, pour être précis, répondit le vampire sans se départir de son sourire carnassier. Je suis Alistair et voici mon fils, Usdean.

    -           Vous pratiquez l’inceste de génération en génération où est-ce que vous violez de pauvres jeunes femmes ?

    -           Nous vivons seuls depuis longtemps, chienne, répondit Usdean. Et nous ne nous considérons pas comme parents. Tous les vampires sont une seule et même famille. Nous sommes tous frères.

    -           Donc votre père est un camarade de partie de jambes en l’air ?

    -           La discussion dérive sur des sujets qu’il aurait été plus avisé de contourner, intervint Alistair.

    -           Vous avez une curieuse façon d’accueillir vos invités, Alistair.

    -           Mes hommes ne sont pas des nuages de guimauves, en effet.

    -           Me jeter à l’arrière d’une voiture et me séquestrer deux semaines dans une cave sans pain ni eau n’est pas très chaleureux, oui.

    -           Et j’en suis navré, mademoiselle Gray, mais nous devions agir dans l’urgence. Nous devions vous parler et la seule façon de le faire était de vous amener chez nous.

    -           En me kidnappant ?

    -           Nous n’avions pas vraiment le choix.

    -           M’envoyer un mail vous aurait tué ?

    -           Nous n’utilisons pas ces nouvelles technologies, intervint Usdean.

    -           Nous étions partis en Suède pour rejoindre une partie du clan. Quand nous avons su que vous n’étiez pas loin de chez nous l’unique solution était de vous envoyer quérir par deux de mes hommes et de vous garder ici le temps que nous revenions. Désolée pour le mauvais traitement. Mais comme je l’ai dit, nous avons à faire à une urgence. Vos amis ont des soucis, mademoiselle Gray, et nous voulons… devons… les aider.

    -           Des soucis ? s’indigna Sam, oubliant qu’elle n’était que tolérée ici. A l’heure qu’il est ils sont sûrement en train de boire du vin et de manger du bon pain sur une terrasse française ! Si c’est la seule excuse que vous avez trouvé pour m’emmenez ici, revisitez vos techniques de drague !

    -           Nous ne vous mentons pas, intervint Usdean. En tant que lycan vous devriez être capable de déceler ce genre de petite chose grâce à vos ondes.

    -           Quand il s’agit d’êtres vivants, oui. Pas de cadavres. Un cadavre n’a pas de cœur qui bat.

    -           Notre hospitalité & des limites, chienne !

    -           Dans votre cas, Usdean, je dirais même qu’elle n’a jamais existé.

    -           Assez ! cria Alistair. Sam, croyez-nous, je vous en prie. Vos amis courent un réel danger.

    Etait-ce une farce ou bien le vampire le plus âgé qu’elle avait jamais vu la suppliait ? Sam ne se sentait pas bien. Le brun, Usdean, avait vu juste à propos des mensonges. Mais les non-vivants étaient insensibles à son pouvoir. Cela marchait grâce à ses ondes. Elles rencontraient le cœur des gens et en fonction de la couleur qu’ils avaient dans son esprit, bleu ou rouge, ils lui disaient la vérité ou non. Tout était dans la chaleur. Et une personne qui ment fait beaucoup travailler son cœur, le faisant ainsi chauffé.

    Cependant, elle voyait quel effort ces deux là faisaient pour rester calme. Elle n’aimait pas la tournure de la conversation et regrettait celle sur l’inceste sadomasochiste, mais elle se rendait bien compte de la difficulté de la situation et des vampires n’auraient pas accueilli, même avec toute la maladresse du monde, un lycan dans leur demeure sans réelles raisons derrière. Il devait donc y avoir une parcelle de vérité et les écouter ne lui coûtait rien, après tout.

    Elle massa ses poignets endoloris et fixa le maître du nid. Alistair lui fit signe de prendre un siège et elle s’avachit sur le plus proche, ses jambes ne la soutenant plus. Puis elle se racla la gorge pour indique qu’elle était prête à entendre leur histoire.

    -           Samantha, c’est à propos de votre protégé, Stephen.

    Un nœud se forma dans son ventre. Stephen était un prodige. Il avait du sang de lycan en lui et désormais, un peu de sang de démon. A la connaissance de Sam, Steph était le seul vampire hybride. Elle déglutit avec difficulté et posa son regard sur le menton du vampire. Elle le voulait pas affronter la vérité qu’elle pourrait lire dans ces yeux millénaires.

    -           Nous avons repéré une forte agitation de lycans et de changeurs au nord-est du pays il y a une vingtaine de jours. L’appartement de votre ami démon a été saccagé. Nous pouvons donc être certains à 99% qu’ils sont à la recherche de votre protégé.

    -           Stephen n’est plus sous ma tutelle depuis quatorze ans. Je ne comprends pas pourquoi des gens de mon espèce lui en voudraient. C’est un vampire mais il ne boit que le sang de son tuteur.

    -           Je pense que vous savez pourquoi, mademoiselle Gray. Mais vous ne voulez pas vous l’avouer.

    Jamais Sam ne s’était sentie dans une telle position de faiblesse. Mais encore une fois, Alistair avait raison. Steph était recherché car il était unique. Il avait deux espèces en lui et le jour où il apprendrait à les combiner, sa puissance serait sans limite. Il fallait donc l’éliminer.

    -           Mais il n’a fait de mal à personne ! s’emporta-t-elle.

    -           Pas encore, Sam, intervint Usdean d’une voix étonnamment gentille. Mais cela ne saurait tarder ;

    -           Vous êtes en train de me dire que quitte à ce qu’il crève autant que cela se fasse de votre main ?

    -           Vous ne comprenez pas, répondit calmement Alistair en attirant le regard du lycan. Nous ne sommes pas les méchants de l’histoire. Tout comme vous, nous voulons l’aider. Vous imaginez : un vampire de sa qualité parmi nous serait un tel privilège !

    -           Stephen n’est pas à vendre !

    -           Nous ne voulons pas l’acheter, mais soyez honnête et dites nous que vivre parmi les siens n’est pas la meilleure chose qui puisse lui être proposée. Et sa vie est en danger. Nous ne voulons pas perdre l’être le plus précieux de notre race. Nous ne le considérons pas comme un point faible vous savez.

    Il avait raison. Les épaules de Sam s’affaissèrent et son soupir ressembla fortement à un sanglot.

    -           Nous vous aiderons, ajouta Alistair d’une voix douce. Mais appelez vous amis et dites leur de rentrer.

    -           Pourquoi ? demanda-t-elle faiblement. N’est-il pas plus en sécurité avec l’océan entre lui et ceux qui lui  veulent du mal ?

    -           Il n’est en sécurité nulle part, docteur, intervint Usdean. Disons simplement qu’avec nous il sera moins en danger.

    -           Ce ne sont pas deux vampires qui vont le protéger de plusieurs meutes.

    -           Nous ne sommes que deux à vivre ici en effet, dit Alistair. Mais comme je vous l’ai dit tout à l’heure. Les vampires sont tous frères et sœurs. Et nos amis en Suède sont déjà sur le départ.

    Sam était déchirée de l’intérieur. Si ces vampires disaient vrai, Steph n’en avait plus pour longtemps et Mel et Elliott n’y pourraient rien. Certes, il était puissant, mais un vampire déchiqueté avait la même force physique que, disons… d’un steak haché.

     

    Sam acquiesça  et Usdean lui tendit un téléphone portable. Elle reconnut le sien. Ils avaient du le lui confisquer. Ses mains tremblaient quand elle composa le numéro d’Elliott, mais elle posa l’appareil contre son oreille et attendit.


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