Les gladiateurs s’entrainèrent toute la matinée. Quand Flagius leur beugla de rentrer dans leur cellule, un soupir général parcouru l’arène. Même courbaturés, la plupart préféraient rester là et se battre, mais un coup de fouet du maître les fit se taire et ils se dirigèrent tous vers la salle d’arme pour rendre armure et glaive.

-           Pas vous ! hurla Flagius alors que Hadès reposait son épée. Les quatre équipes, restez ici !

Les concernés se réunirent dans un coin à l’abri du soleil, un peu en retrait. Au total, seize gladiateurs. Cass frissonna.

-           On va vous attribuer des cellules spéciales, leur dit Flagius en passant une main câline sur le manche de son fouet. Une pour chaque équipe. Les jeux commencent dans deux jours, vous aurez donc quatre heures d’entraînement supplémentaires par rapport aux autres. Vous commencerez deux heures plus tôt et finirez deux heures plus tard. Comprit ?

-           C’est obligatoire ? demanda Björn, le chef de l’équipe Upsilon, un grand blond aux yeux sombres.

-           Si tu veux pas crever, oui, répondit le maître d’un ton cassant. On vous donnera aussi de meilleurs équipements.

-           En quoi consisteront les jeux ? demanda Turquoise.

Et comme à chaque fois que l’une des femmes disaient ou faisaient quelque chose, tous les regards se tournèrent instantanément sur elle.

-           Vous battre et survivre. La suite vous la découvrirez dans deux jours quand vous serez lancés. Maintenant trêve de bavardage et au boulot ! Il vous reste deux heures ce matin pour vous entraîner, en attendant moi je vais vous libérer de nouvelles cellules. Servez-vous des armes qui sont dans les coins de l’arène. Elles sont mieux que ces bouts de bois.

Flagius leur tourna le dos et se dirigea vers le trou béant par lequel les autres étaient sortis, quand il se ravisa.

-           Ah oui, une dernière chose. Le premier qui tue un autre gladiateur ce fera lui aussi exécuter.

Il posa un regard lourd de sens sur Taureau et disparut.

-           Je ne l’aime décidément pas, dit Hadès au bout d’un moment alors que les gladiateurs des équipes adverses prenaient un coin de l’arène pour s’y entraîner.

-           T’as pas à l’aimer, répondit Taureau en les entrainant le plus loin possibles des autres. Il n’a de maître que le nom. Concentre-toi sur les deux jours qui nous restent.

-           C’est facile à dire pour toi ! Je n’ai pas des bras qui font la taille d’un jeune tronc d’arbre, moi.

-           Non, mais tu as une cervelle alors sers-t-en.

Le jeune homme prit un bouclier rond sans laisser le temps à Hadès de répondre et donna une épée à chacune.

-           Essayez de me faire baisser la garde, dit-il en pliant ses genoux pour plus de stabilité.

-           Accroche-toi, chéri, marmonna la rousse avec un sourire.

Et elle se jeta la première sur le bouclier.

Pendant près d’une heure elles essayèrent de le mettre à terre et de faire voler son bouclier, mais en vain. Taureau avait comme prit racine dans le sol et sa défense était impénétrable. De la sueur perlait sur son front, mais qui ne transpirait pas ? On approchait petit à petit de midi et le soleil brûlait comme s’il n’était qu’à quelques kilomètres d’eux. Cass sentait son haut lui coller dans le dos et c’était très désagréable. Son bras gauche lui faisait mal à cause des assauts répétés et l’épée était beaucoup trop lourde pour elle. Turquoise et Hadès peinaient elles aussi, mais leurs assauts étaient plus assurés que le siens. Elles avaient quelque chose de soldatesque. Cass savait se servir d’une épée, mais sur un court lapse de temps… après l’arme devenait plus handicapante qu’utile.

Comme sous un signal muet, les filles s’écartèrent en même temps du jeune homme et chacune reprit son souffle. Cass ne sentait presque plus son bras et elle avait très soif. Turquoise s’écroula au sol et s’étendit sur le dos, ses yeux bleus fixés sur le ciel. La rousse l’imita.

Cass surprit le regard amusé de Taureau et celui-ci alla s’allonger à côté des deux femmes.

-           C’est tout ? demanda la jeune femme en plantant la pointe de son épée dans le sol, un soupçon de déception dans la voix.

-           Laisse-nous le temps de récupérer, tu veux ? dit Turquoise en articulant à peine tellement elle était épuisée.

Du temps ? Cass se renfrogna. Du temps…  Il ne leur restait même pas deux jours pour essayer d’établir une stratégie et ils voulaient du temps pour se reposer ?! Elle jeta un coup d’œil du côté des autres équipes et elle vit que pour la plupart, ils se battaient toujours. Avec mollesse, certes, mais ils se battaient.

Déterminée, la jeune femme se dirigea vers la fontaine et remplit un seau d’eau froide. De retour vers ses coéquipiers, elle le leur vida à la tête. Instantanément les trois sautèrent sur leurs jambes et, armes et boucliers au poing cherchèrent le malin qui leur avait ça. Quand leurs yeux se posèrent sur le seau à la main de Cass, ils se détendirent.

-           Debout, dit la jeune femme en jetant le seau au loin. Il nous reste moins d’une heure pour nous entraîner ce matin.

-           Tu mérites tellement ton surnom, Cass, répondit Taureau en se remettant en position de défense.

-           Tant mieux, si ça vous motive c’est parfait.

-           Ah les Gaulois, dit Turquoise en secouant la tête. Tous des sangs chauds.

-           Dit la fille qui se bat comme une véritable guerrière, renchérit Cass, légèrement jalouse de ne pas savoir en faire autant. Toi aussi Hadès tu te bats bien.

-           Tu ne te débrouilles pas trop mal non plus, pour une gamine, répondit la rousse en souriant. Mais je n’ai pas l’impression que ce soit l’action ton champ de prédilection. Tu sembles être plus dans la réflexion. Tu dois être un excellent stratège.

Cass ne sut quoi répondre. Il est vrai qu’elle n’avait jamais aimé foncer tête baissée. Il fallait toujours qu’elle échafaude un plan.

-         C’est vrai, acquiesça-t-elle. Je ne vous serais pas très utile dans l’action.

-           Ne dis pas ça, la rabroua Taureau en abaissant son bouclier. J’ai vu comment tu te battais et tu t’en sors plutôt bien. Bon, c’est vrai que Turquoise et Hadès sont vraiment douées mais tu ne nous ralentiras pas si c’est ce que tu penses. Et puis, ajouta-t-il en regardant les autres équipes avec un sourire moqueur, nous avons ce qu’eux n’ont pas. Un cerveau.

Cass sourit, flattée. Taureau avait raison. Alors que lui était la force brute, et Hadès et Turquoise les reflexes, elle, elle était ce qui manquait à tous les autres : la stratégie et la réflexion.

-           Tu veux que je te montre un coup de stratège ? demanda-t-elle alors en esquissant pour la première fois un vrai sourire.

-           Oh que oui, répondit Taureau en replaçant son bouclier contre sa poitrine et en fléchissant les genoux.

Cass s’avança à petits pas vers le jeune homme et alors qu’elle était à moins d’un mètre de lui elle leva son épée haut au dessus d’elle. Taureau le vit et il redressa son bouclier. Mais Cass ne visa pas la tête du garçon.

Son pied fusa à la vitesse de l’éclair entre les jambes de Taureau et celui-ci s’écroula au sol en lâchant tout pour mettre ses mains en coupe autour de son entre-jambe.

Turquoise et Hadès qui n’avaient elles non plus pas vu venir le coup, éclatèrent de rire, ce qui leur attira des regards d’incompréhension de la part des autres gladiateurs.

Cass était fière d’elle.

-           T’avais pas le droit, dit Taureau d’une voix à peine plus aiguë qu’à l’ordinaire, ses mains toujours posées entre ses jambes.

-           Et c'e st pour ça que tu as perdu, répondit-elle en souriant.

Puis en englobant du regard ses trois coéquipiers :

-           Personne ne respectera les règles durant les jeux. Autant commencer maintenant.